Dès l’incipit, en effet, la présentation du protagoniste joint à une mise en scène parfaite de la symétrie du bilinguisme officiel la révélation d’un rapport inégalitaire entre les groupes linguistiques : Selon la plupart des critiques, l’appellation « French-Canadian » de la page anglaise, qui amalgame tous les francophones canadiens, dérobe son identité culturelle propre au personnage (voir Lasserre 1995-1996 : 66 ; Killeen 1997 : 66 ; Hotte 2000a : 168). Dans ce contexte, la traduction acquiert à la fois une importance considérable et des connotations négatives. Toutefois, par le jeu des influences inégales d’une langue à l’autre, il opère aussitôt un nouveau renversement, qui suggère la difficulté qu’a le français ontarien à occuper cette position. Selon Marie-Chantal Killeen, « le récit fait état de la difficulté […] irréductible de faire entrer la langue des Franco-Ontariens dans le jeu de la représentation » (1997 : 181). Dickson soulignait cet à-propos avec dérision, affirmant d’abord qu’il serait « lourd, pédant et gauche (not necessarily in that order) de [le] souligner » (in Desbiens 2008 [1981] : 18). En même temps, lues dans une perspective traductionnelles, les saisons ne se relaient plus mais se réverbèrent les unes sur les autres. Que ces textes se montrent tous deux critiques à l’endroit du bilinguisme officiel semble aller de soi, surtout si on prend en compte le discours social en circulation dans les milieux où frayent les auteurs et le fait qu’ils ont contribué à ce discours. CCN (16 novembre 1999). Dans Transfiguration (voir annexe 1), Blodgett et Brault créent tour à tour, chacun dans sa langue maternelle (l’anglais pour Blodgett et le français pour Brault), un poème qui sert d’inspiration au poème suivant, écrit dans l’autre langue par l’autre poète, et figurant sur la page suivante. S’il peut être nommé sur la page française, son statut de Franco-Ontarien n’est pas toujours perçu par les Québécois qu’il rencontre. Gratuit. Gidsen Sint-Jan. Rood wit, ben blij dat 'k bij Sint-Jan zit! In the narrow interstice between English and French lies a world as heterogeneous as the two sociolinguitic spaces it both joins and opposes. En prenant parti pour le français contre l’anglais, Godbout ne sort pas des catégories établies par l’État, qui ne tiennent pas compte de « l’espace tiers » (Bhabha 1994 ; 1996) existant entre les entités qu’elles délimitent[11]. Brault résume cette double position dans son texte liminaire : Ainsi avons-nous écrit en étrange familiarité, grâce à une amitié qui ne s’est pas donné d’alibi en cherchant à gommer nos différences. Elle contredit les promesses du bilinguisme officiel, mais elle parodie aussi – la répétition d’un événement définitif démentant nécessairement celui-ci – les affirmations nécrologiques émanant du Québec à l’endroit des communautés francophones des autres provinces[12]. D’un côté, les coûts qui y sont associés inquiètent certains contribuables et groupes de pression (Reid 1993 ; Vaillancourt et Coche 2009 ; Vaillancourt, Coche et al. Ce pacte est politique et juridique, comme en témoigne l’adoption de la Charte de la langue française en 1977. Elle ne le préserve pas de l’invisibilité. La traduction de Blodgett, telle qu’il la décrit, « ne cherche pas avant tout les équivalences. Le bilinguisme est la faculté de parler ou d'écrire couramment deux langues. Dans cet exemple, cependant, la dénonciation est vite éclipsée par la chronologie que l’absence de traduction permet à Desbiens d’installer : à l’automne verlainien de la page française, l’hiver fait directement suite sur la page anglaise (Leclerc 2010 : 300 ; et Leclerc et Nolette 2014 : 269 le relèvent). Reportant l’amitié sur une mésange, Brault s’en distancie. Une cagoule noire est placée sur sa tête, et Jalalidin disparaît. Sur ce point, Desbiens déjouait avec L’homme invisible/The Invisible Man jusqu’aux attentes de son éditeur, dont le projet était de permettre aux anglophones, interlocuteurs quotidiens des Franco-Ontariens, d’avoir accès dans leur langue à l’oeuvre du poète (voir Tremblay 1996 : 206-207). Le contraste entre les deux types de rapport à la traduction est frappant. Forums pour discuter de bilinguisme, voir ses formes composées, des exemples et poser vos questions. En même temps, à l’intérieur de cet interstice, les deux textes occupent des positions radicalement différentes. Il n’est pas si différent de Godbout, qui reconnaît les autres francophones du Canada, mais au passé seulement. Brault le contient en y mettant fin. Des irruptions sur la page française de la langue anglaise – langue qui, dans une édition bilingue conventionnelle, devrait être celle de la traduction – perturbent cette division des langues, surtout qu’elles se chargent de signification. Le présent article veut rendre compte de leur relation, à la fois idéologique et formelle, avec le bilinguisme officiel et avec les pratiques traductionnelles qui lui sont associées. Le nom du recueil renvoie évidemment à cette idée. Ce choix ne saurait être innocent : faut-il rappeler la charge symbolique associée à l’alouette en contexte québécois et canadien ? Eh bien ! Selon Sherry Simon : This is reciprocal writing taken to the furthest point, where words never entirely belong to a single speaker. As a result, this article’s conclusion calls for a comparatism that, instead of limiting its exploration to the differences between English and French or even their contact zone, concentrates on the different relationships with translation emanating from that very zone. Comme dans le passage entre l’automne et l’hiver cité plus haut, l’explicit de l’homme invisible ne reproduit pas, d’un point de vue diégétique, le versant de texte qu’il est censé traduire. Lorsque Blodgett demande : « are we agreed on this my friend » (in Blodgett et Brault 1998 : 40 ; voir aussi exemple 1), il esquisse un terrain commun avec son correspondant, mais soulève en même temps un doute quant à l’étendue de ce terrain. Kristiina Abdallah et Kaisa Koskinen, RIS Tout le récit de Desbiens fait ressortir l’écart de poids symbolique entre les deux langues qu’il met symétriquement en regard[9]. À rebours de sa mort, sur le fil de l'eau et du feu, Shelley, révolutionnaire, libertaire, féministe, républicain, idéaliste, enleveur de femmes, athée... déroule ses mots comme de la poudre, en échos politiques, poétiques et incendiaires au-devant du sublime. Victimes de l’inégalité des univers où ils sont transposés, ils servent moins d’influence qu’ils ne reçoivent celle de la culture anglo-américaine : À un Rimbaud rétrogradé fait face Audie Murphy, héros de guerre, vedette de cinéma et idole de l’homme invisible enfant. Il peut y avoir des différences entre la capacité de parler une langue et l’usage de la langue, de même les compétences […] Plus encore, il devient un puissant moteur d’écriture. Un appel de la mer pour tout navigateur resté trop longtemps à terre. La lecture des deuxpages est nécessaire à l’appréhension du texte dans sa globalité. Le détournement de la formule de l’édition bilingue auquel s’adonnent Desbiens d’un côté et Brault et Blodgett de l’autre a reçu d’emblée, dans les deux cas, une interprétation critique en lien, mais aussi en contraste, avec les politiques canadiennes sur les langues officielles. Les interprétations disponibles accolent quasi systématiquement le mot « disparition » à L’homme invisible/The Invisible Man et lui donnent d’emblée une signification collective (ainsi, Lasserre 1995-1996 : 67 ; Paré 2007 : 1988 ; Lagacé 1999 : 86 ; J. Melançon 2008 : 6). Cahin-caha, continuant à me mêler de ce qui ne me regarde pas, poursuivant mon chemin parmi les poétesses amérindiennes, j’ai traduit ce poème tiré de National Monuments, de Heid Erdrich, dont on peut lire la version originale, « Ghost Prisoner » sur le site Poetry Foundation. Cette catégorie comprend les 11 sous-catégories suivantes. Ce clignotement évoqué par Desbiens, Paré (1994 : 20-21) s’en sert pour décrire une dialectique d’apparitions et de disparitions identitaires qui serait propre à la culture et à la littérature franco-ontariennes. Ils ont tous deux été lus comme des parodies du bilinguisme symétrique promu par la Loi sur les langues officielles du Canada. De cette même chanson, Félix Leclerc s’est inspiré pour écrire « L’alouette en colère » durant la crise d’Octobre. poésie L’opposition est plutôt à une « symétrisation » où la symétrie serait mimée sans qu’il y ait échange véritable. Catégorie:Poème anglais. Blodgett traite ici de sa traduction d’un autre recueil de Brault, Au fond du jardin. The texts studied show two very different reactions that put translation to work in contrasting ways. Je dois cette observation à Mathieu Simard. Transfiguration illustrates the desire to exploit translation’s potential to scramble ownership and property. Outre les textes étudiés ici, Two shores/Deux rives de Thuong Vuong-Riddick (1995) est une autre édition bilingue digne d’intérêt de ce point de vue. La reproduction est autorisée par les Éditions Prise de parole. Elle se sert plutôt des images pour les doter d’autres sens. Leclerc (2010 : 310-314) analyse cette interprétation relativement au concept de bilinguisme soustractif que les chercheurs travaillant sur les minorités francophones du Canada ont emprunté à la psycholinguistique. Le bilinguisme du récit semble être le principal vecteur de ces interprétations collectivistes pessimistes, que l’introduction de Robert Dickson (lui aussi poète franco-ontarien) programmait dès la publication en soulignant « l’à-propos de ce texte vis-à-vis [sic] une certaine condition franco-ontarienne de double dépossession » (in Desbiens 2008 [1981] : 18)[7]. Les détracteurs du bilinguisme officiel reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes, statistiques à l’appui, l’attachement d’une majorité de la population canadienne à cette politique ; sans compter que c’est au Québec, où les critiques ont été les plus vives, que cet attachement est le plus grand (voir par exemple Vaillancourt et Coche 2009 : 9). One day something changed I’m not sure what it was. Écrivant « faisant amitié avec des mots », il semble décrire la démarche qui est la leur dans Transfiguration. Au Canada, le terme a pris une connotation plus particulière : c'est la faculté de communiquer (ou le fait de communiquer) dans les deux langues officielles du Canada, l'anglais et le français. Les résultats de cette situation se font sentir jusque sur la scène littéraire. it was a late dark night and we had a stupid fight. Chassé du Royaume-Uni pour ses écrits et ses murs, aussi sulfureux les uns que les autres et après avoir enlevé sa très consentante future jeune épouse Mary Shelley, qui sera l'auteure, à 18 ans, du fameux Frankenstein, Shelley s'embrase et noircit des pages jusqu'au vertige. Les interstices grouillants du bilinguisme officiel, www.ualberta.ca/~eaunger/discours/Opinion-2012.pdf, http://publications.gc.ca/collections/collection_2013/statcan/75-006-x/75-006-2013001-4-fra.pdf. Pour l’instant, notons que les onomatopées, à la fois semblables et différentes (« fi-bi » et « phee-bee »), matérialisent la correspondance mêlée d’écart entre les deux poètes. Transfiguration by Jacques Brault and E. D. Blodgett (1998), and L’homme invisible/The Invisible Man by Patrice Desbiens (1981) are located at the crossroad of Canada’s official languages. Ici aussi, le texte avalise des interprétations divergentes. Godbout se réfère d’ailleurs au texte de Desbiens en omettant le versant français de son titre, puisqu’à ses yeux l’ouvrage relate de toute façon le glissement vers l’anglais que le bilinguisme officiel canadien entérinerait. C’est que l’égalité de statut que la loi confère aux deux langues masque – en même temps qu’elle y répond – leur rapport asymétrique, mouvementé. Lorsqu’il était étudiant à la maîtrise avec moi, Mathieu Simard a produit une fine lecture de Transfiguration qui a attiré mon attention sur certains détails pertinents pour cet article. The voice of each poet is penetrated by the accent, the vocabulary, the sensibility of the other. À la symétrie du bilinguisme officiel, Blodgett et Brault ajoutent donc un corollaire qui en change la donne : la transfiguration réciproque. Pour d’autres exemples de clignotement plus ludique, voir Leclerc et Nolette 2014 : 272-273. Mais, tout autant, elle en reprend certains éléments, qu’elle transfigure – au sens cette fois où elle les améliore. Bilinguisme officiel, politiques et poétiques traductionnelles, 5. Essays in the Canadian Literatures : « binarism in Canada, while it is a violent stasis, masks, in fact, an anglophone hegemony » (1982 : 9). This article describes their ideological and formal relationships with official bilingualism and with the translation practices associated with it. Blodgett le signale dans son commentaire sur son activité traductionnelle dans Transfiguration : ce passage est « one of the rare moments in the book in which the character of our relationship was raised » (2000 : 20). Leur renga translingual se construit précisément contre la hiérarchie habituelle entre original et traduction, entre auteur et traducteur. Néanmoins, plusieurs des composantes de l’univers de Transfiguration – à distance de la vie en société, et à fortiori des questions d’actualité sur le contact des langues officielles au Canada – peuvent être rattachées aux règles du renga. Le mémento auquel Godbout fait allusion, rappelons-le, est par définition non seulement un aide-mémoire, mais aussi une prière pour les défunts. D’autre part, même chez les anglophones et même chez ceux parmi eux (nombreux) qui ne maîtrisent pas le français, le bilinguisme anglais-français joue un rôle non négligeable dans la construction de l’identité nationale. Récit utopique, Transfiguration reste ancré dans l’histoire de la minorisation franco-canadienne qui se trouve au coeur de L’homme invisible/The Invisible Man. Après avoir quitté son Timmins natal puis passé du temps à Toronto, l’homme invisible aboutit au Québec, où il « falls in love in French » (Desbiens 2008 [1981] : 26a). Reste le cas le plus fréquent, la traduction bilingue en juxtalinéaire, comme décrite plus haut. EndNote (version X9.1 et +), Zotero, BIB C’est là une distinction dont Sherry Simon souligne les enjeux : [When] translation is […] a benevolent act of generosity towards a friend from distant lands, transactions across languages do not threaten the integrity of either host or receiving culture. Une sélection de poèmes de la catégorie ‘ Maladie ’ du site de poésie poetica.fr Voir Leclerc 2010 : 325, n. 98 ; et Leclerc et Nolette 2014 : 271. Or, comme la création de tels documents s’effectue le plus souvent dans la langue de la majorité, c’est de l’anglais vers le français qu’ont lieu la plupart des traductions (voir Blodgett 1982 : 29-30 ; Juel 1999 : 239 ; Taravella 2011 : 4). Ces textes poétiques empruntent – mais pour les détourner – les codes de l’édition bilingue. Jusque dans sa structure, L’homme invisible/The Invisible Man se construit dans l’équilibre entre ces deux aspects, qui ont en commun de relever d’une esthétique de la transformation, à l’encontre de « l’idéologie traductionnelle du pareil au même » (Brault 1975 : 204). En fait, vu l’unité du récit bilingue, on pourrait même aller jusqu’à avancer qu’il n’y a pas deux langues dans L’homme invisible/The Invisible Man, mais bien une seule, coincée entre deux versions sans commune mesure. Selon les données de Statistique Canada, « les minorités de langue officielle (francophones à l’extérieur du Québec et anglophones au Québec) sont plus bilingues que les majorités. ! Les coquelicots sauvages commençaient déjà à fleurir à travers les croix de bois placées sur les tombes, ce qui l’a inspiré à écrire le poème In Flanders Fields le jour suivant. Il s’intéresse autant au cadre commun que le bilinguisme officiel leur procure qu’aux manières, divergentes, dont il s’en démarque. L’auteure d’origine vietnamienne et établie en Colombie-Britannique présente un recueil de poèmes autobiographiques qu’elle formule dans les deux langues officielles. Real Canadians » (1997 : 559). Ces règles complexes, Blodgett et Brault ne s’y astreignent pas systématiquement : Brault fait valoir d’entrée de jeu que les poètes suivent ici chacun « sa dictée propre » et qu’ils ne se sont donné « aucune règle préétablie » (Brault in Blodgett et Brault 1998 : 9). Le lien le plus direct avec le bilinguisme officiel est venu sous la plume de Jacques Godbout, un écrivain québécois qui s’est intéressé au statut du français dans les communautés franco-canadiennes où il est langue minoritaire (Godbout 1976 ; 1981 ; 1983). Mais elle n’a jamais couché avec un homme invisible. La traduction de Brault, qui place l’« ami » au centre du vers, accentue visuellement l’espace qui sépare les correspondants : Citée plus haut (voir exemple 2), la réponse de Brault au poème de Blodgett vaut d’être reprise dans une interprétation légèrement différente, d’où ressortent certaines tensions. Ecrit en mai 1849, quelques mois avant sa mort, il est admis par les chercheurs que ce poème évoque le souvenir de Virginia Clemm la jeune épouse de Edgar Allan Poe, décédée à l’âge tendre de 25 ans. Néanmoins, puisque Bhabha l’envisage comme un espace de traduction, le concept peut être mis en lien avec les littératures des minorités linguistiques au Canada (voir Simon 1999). En témoigne la campagne publicitaire d’une compagnie de bière, au début des années 2000, dont le slogan était « I am Canadian ». Portrait de Percy Bysshe Shelley par Alfred Clint, en 1819. Le mémento de Godbout appartient certes à ce type de discours, que Godbout a tenu suffisamment fréquemment pour faire l’objet d’une caricature dans le roman autobiographique Moncton mantra de l’écrivain acadien Gérald Leblanc (1997 : 106). Dans son heureux redoublement du bilinguisme officiel, l’édition bilingue donne forme au récit de Desbiens, ce qui permet de le faire advenir à la représentation. Le rapport à la symétrie du bilinguisme officiel est plus problématique dans L’homme invisible/The Invisible Man. Rejoignez Babelio pour découvrir vos prochaines lectures. Ces multiples trajectoires de lecture possibles font écho à la démarche des auteurs, que Brault qualifie dans son texte liminaire « d’écriture oblique du poème », faisant signe à son vis-à-vis (Brault in Brault et Blodgett 1998 : 9). […] Parmi les minorités de langue officielle, les anglophones du Québec affichaient un taux de bilinguisme de 61 % (comparativement à 6 % chez les anglophones dans le reste du Canada), alors que les francophones en dehors du Québec avaient un taux de bilinguisme de 87 % (comparativement à 38 % chez les francophones du Québec) » (Lepage et Corbeil 2013 : 4). Ailleurs, l’usage des pronoms désignant les oiseaux s’harmonise. Quant à Blodgett, c’est bien lui qui affirmait, en introduction à son recueil d’études comparatistes intitulé Configuration. Sur ce point, la combinaison de formes de traduction métaphorique et pratique, de même que l’alternance des rôles d’auteur et de traducteur entre les poètes, remplissent une fonction essentielle. Dans le premier vers de cette réponse, Brault, on l’a vu, reprend à son compte l’amitié introduite par Blodgett. La célébration de l’amitié à laquelle ils se livrent n’élude pas la précarité de leur démarche. Par Pause-lecture avec la Gouverneur générale [sic] : le Conseil des Arts du Canada annonce les noms des lauréats des Prix littéraires du Gouverneur général de 1999. dommage que dire ce genre de choses de nos jours soit de plus en plus rare ! La double page à quatre textes peut dès lors se lire dans tous les sens ; elle autorise plusieurs permutations (voir C. Melançon 2000 : 12). Ce que la critique a surtout relevé dans cette oeuvre copieusement commentée, c’est l’imaginaire de la perte dont elle est imprégnée. Traductions en contexte de "poème avec" en français-anglais avec Reverso Context : Discutez du poème avec vos élèves. je traverserais cette langue, je la traverserais jusqu’à ma langue propre (et inconnue), et au cours de cette traversée pénible et salutaire, je me perdrais dans l’autre et l’autre se retrouverait en moi » (1989 : 212)[4]. Selon Tadashi Ogawa (2001 : 263) : « The essential basics of renga lie in both self-abandonment and the participation in za, which is “the opening place” belonging neither to one’s self nor to that of the others. Dans cette perspective, le rôle d’une figure comme celle d’Audie Murphy ne tient pas seulement à son ignorance du français. Ce qui distingue Transfiguration et L’homme invisible/The Invisible Man de tentatives de ce genre est le travail sur la forme même du bilinguisme officiel, c’est-à-dire sa forme traductionnelle. Réponse: re:Poème de serena, postée le 2004-08-30 12:53:35 (S | E) kayrol, si on me dit ce poème ( même aujourd'hui ), je crois que je tomberai dans les pommes ! À la transfiguration des premiers répond l’altération du second, cette déviation néfaste qui le mène à l’exclusion. Qu’ils en soient remerciés. Un film sonore de Ludovic Chavarot et Céline Ters. C’est ce dialogue que le présent article examinera. Par exemple, c’est à Brault qu’est due, dès son premier poème, l’introduction d’oiseaux dans le recueil (voir Blodgett 2000 : 17). Mobilisé d’une manière qui peut aisément sembler dénonciatrice, ce bilinguisme exemplifierait les conséquences néfastes, relevées par Brault et Blodgett dans leurs essais, d’une application des arrangements linguistiques symétriques à des milieux diglossiques : c’était la condamnation sans appel, le rejet ontologique du monde que représentait pour Desbiens la langue maternelle française, déchue, dilapidée, indifférenciée, entachée par le malaise et la honte, paralysée et paralysante jusqu’à la désarticulation des structures de la subjectivité. Shelley est bien le poète des éléments célébré par Bachelard, l'Orphée à la voix merveilleuse, l'amant extatique aux attentes parfois déçues, le créateur de mythes qui réenchantent l'univers. romantisme Homi Bhabha (1996 : 54) présente cet espace comme « the contaminated yet connective tissue between cultures – at once the impossibility of culture’s connectedness and the boundary between », qui « introduce[s] into the polarization of liberals and liberationists the sense that the translation of cultures is a complex act […] that generates borderline affects and identifications […] ». Ses réflexions des dernières années sur la traduction ludique m’ont permis d’approfondir ma lecture de L’homme invisible/The Invisible Man. 13 oct. 2012 - Chansons et poèmes sommaire Anglais cycle III CM1 CM2 Aide à l'enseignement au cycle III fichier audio téléchargement C’est d’ailleurs Jacques Brault seul qui, pour ce recueil, remportait en 1999 le prix de traduction de l’anglais au français du Gouverneur général du Canada, Transfiguration étant ainsi ramenée aux catégories préconstruites d’oeuvre originale (anglaise) et de traduction (française). C’est dire que le texte anglais de Desbiens adopte un terme qui, en français, serait anachronique. Le passage, qui met aussitôt l’affirmation en acte, se lit comme suit : On reviendra plus loin sur l’adoucissement que Blodgett fait subir aux images de Brault – manifeste ici lorsque « pousse » devient « eases » et « bref » devient « soft ». Il le fait dans sa traduction des oiseaux de Brault : Il le fait également dans ses propres poèmes : Il conserve cette stratégie même lorsque Brault, par une pirouette syntaxique, féminise un oiseau masculin : Mais il arrive aussi à Blodgett – dont le choix s’appuie sans doute sur la polysémie du terme « hairy » en anglais – de reprendre le genre que Brault, suivant les règles du français, assigne à son oiseau : Quoi qu’il en soit, différence et rapprochement s’introduisent donc à nouveau, à la fois successivement et conjointement. Amazon.fr: recueil de poeme. Chez les enfants canadiens-anglais, l’oiseau qu’on plume de la chanson traditionnelle constitue souvent l’une des premières évocations du Canada français. La distance allait être confirmée dans toute son ampleur par la réception de la coédition au Canada anglais, où le texte de Desbiens passerait quasi inaperçu et où, dans la seule recension publiée, les différences entre les deux versions ne seraient pas relevées (voir Aubert, 1982 : 30 ; Leclerc et Nolette 2014 : 259). L’équivoque est encore plus apparente en ce qui concerne les politiques de traduction associées au bilinguisme officiel. Il est également littéraire, la littérature québécoise ayant dès les années 1960 fait de l’emploi du français comme langue principale de ses textes le symbole du statut véhiculaire qu’il s’agissait de lui donner à l’échelle de la société (voir Leclerc 2010 : 189). Adoptant à cette fin une forme qui les rapproche singulièrement, tous deux empruntent – mais pour les détourner – les codes de l’édition bilingue. En effet, suivant la loi, les documents officiels produits par l’État fédéral canadien doivent l’être aussi bien en français qu’en anglais. Les textes littéraires sur lesquels le présent article se penche sont deux oeuvres aux poétiques résolument traductionnelles, qui prennent pour point de départ la symétrie caractéristique de la traduction de documents officiels entre l’anglais et le français au Canada et qui exploitent son potentiel de symbolisation. Tandis que de nombreuses références anglo-américaines s’intègrent aisément à la page française, l’émission de télévision québécoise Les Beaux Dimanches a un rayonnement trop restreint pour se rendre jusqu’à la page anglaise. On a ici affaire à un récit d’illégitimité radicale, où le poète se forge paradoxalement, à même le texte de la Loi sur les langues officielles, une position de hors-la-loi – invisible parce que hors la langue telle qu’officiellement désignée, et dès lors hors la représentation[10] : Godbout relève avec justesse la douleur occasionnée par l’anglais dominant dans le récit. Comme Transfiguration, L’homme invisible/The Invisible Man marque donc le passage des saisons, et c’est le détournement de la symétrie du bilinguisme officiel qui lui permet de le faire. Ces connotations négatives, Blodgett – dont les images sont généralement moins sombres que celles de Brault (voir Blodgett 2007 : 53) – les atténue d’abord. Encore une fois, il y fait suite. On ne saurait mieux, me semble-t-il, décrire l’écriture de L’homme invisible/The Invisible Man. Bien que la manière dont ces coûts sont estimés ne fasse pas consensus, l’insistance sur leur importance, reprise dans les médias, nourrit l’impression « que les anglophones paient un excès de taxes pour que les francophones puissent jouir de services inutiles », ainsi que l’ironise Edmund A. Aunger (2012 : 6).