Ce sont les brassiers et journaliers de Tourraine, les journaliers du Maine, les bêcheurs et hommes de peine de l’Anjou… Ce sont aussi de très nombreux salariés plus ou moins spécialisés que l’on rencontre en pays de grande culture, hommes à tout faire mais aussi charretiers et bergers. Ils privilégient donc les céréales panifiables et le froment dont la demande s’accroît avec la croissance de la population et avec la hausse du montant des fermages (payés en grain). Le laboureur riche est un personnage des openfields céréaliers39, ailleurs, il faut regarder le terme avec circonspection avant de conclure que l’on a affaire à un riche. Même si son importance est minimisée par sa place politique et sociale, la grande majorité des Français est alors composée de paysans. Ils pratiquent une agriculture très extensive ne labourant qu’un quart de leurs terres, moins même pour les exploitations les plus étendues. Ils ont le monopole des grandes fermes et des recettes seigneuriales (affermage des dîmes, marchés de coupe de bois, commerce des grains et des bestiaux, prêts à intérêt, commerce des rentes). Celui de labrador (laboureur), par exemple, peut désigner aussi bien un paysan aisé qu’un ouvrier agricole ; il est d’ailleurs absent des sources de l’époque. À ce moment, en Vieille-Castille, la majorité de la production est le fait de petits et moyens paysans qui travaillent en priorité pour leur subsistance et accessoirement pour le marché. Au XVII° siècle, la majorité des Européens vit des activités agricoles de la campagne. On assiste alors à un phénomène de polarisation sociale : la petite couche supérieure de la société s’enrichit tandis que s’affaiblissent les couches moyennes dont les membres viennent grossir les rangs des déshérités. Dans la région toulousaine38, il désigne toute une catégorie particulière de brassiers (= journaliers) dont la spécialité est de labourer. [...]. Le père Noël : au début du XIXème siècle, les gens disaient que c'était le petit Jésus qui distribuait les cadeaux. 29Pour expliquer ce phénomène, il faut examiner les effets des crises sur les structures sociales : ces paysans sont-ils semblables à leurs ancêtres du milieu du xvie siècle ? Naître, vivre et mourir en France au XVIIe siècle, LAmérique dans les têtes : un siècle de fascination et daversion, de D. Lacorne, J. Rupnik et M. F. Toinet, 1986, Quels présupposés théologiques pour la philosophie de lhistoire ? 14Étant donné la taille des exploitations et des troupeaux, les domestiques à l’année sont en bon nombre dans cette région : la moitié des « principaux » en ont plus de cinq (dont deux plus de cinquante). Faute de données sûres, on peut considérer que ce chiffre soit également applicable au xviie siècle. Ils se maintiennent jusqu’au xviiie siècle dans les régions où les petites fermes restent nombreuses. Dans les trois pays, le paysan est rarement propriétaire de la terre, il la tient plutôt qu’il la possède. Or, la brusque baisse de la population ne va pas tarder à inverser les termes de la demande : dès 1630 le blé ne vaut plus que 1,7 fois plus que l’orge. Avec de tels niveaux de population, en Vieille-Castille et encore plus sur la côte cantabrique, nous aurions affaire à de véritables villes ; cela signifie que la division du travail n’est pas très poussée dans la Manche, l’artisanat étant réduit au nécessaire, sauf en cas de spécialisation (le textile à Ciudad Real, les gants de cuir à Ocaña). Le Dominiquin. Pour le reste, il prend différentes formes. Il faut donc examiner le phénomène de plus près et ne pas s’en tenir à la production céréalière. 42Quoi qu’il en soit, dès le début du xviie siècle, la plupart des tenures coutumières (unfree tenures) qui n’étaient pas « à la volonté du seigneur » pouvaient être achetées et vendues par les paysans mais aussi par des marchands et même par des membres de la noblesse et de la gentry. Familia y reproducción social en la Sierra. [...], [...] De ce fait, l'attachement à l'enfant n'est pas le même au XVIIe siècle qu'aujourd'hui. Soit la ville de Paredes de Nava, toujours en Tierra de Campos, et ses quatre paroisses. 11Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de considérer le monde paysan comme une entité ; entrons maintenant un peu plus avant dans le détail de ces inégalités. Pimido, c'est 20 ans d'expérience dans la rédaction, l'optimisation, l'achat et la vente en ligne de documents. J’ai passé toute mon enfance à la campagne, ma femme a vécu à la ville. 44En ce qui concerne l’existence d’un important marché de la terre en copyhold, le problème essentiel est de savoir jusqu’à quel point il était utilisé par les paysans pour acheter de la terre à cultiver ou pour investir leurs profits. 17Ces différentes catégories se retrouvent, dans des proportions diverses, dans toutes les régions d’Espagne et d’ailleurs ; elles forment toujours une forte proportion des effectifs des villages. On trouve aussi des sociétés fortement polarisées bien que globalement beaucoup moins riches, c’est par exemple le cas de l’Alsace étudiée par Jean-Michel Boehler46. xvi-xvii), Ciudad Real, Instituto de Estudios Manchegos, 1986, 744 p. Saavedra Pegerto, Economía, política y sociedad en Galicia : la provincia de Mondoñedo, 1480-1830, Saint-Jacques-de-Compostelle, Xunta de Galicia, 1985, 700 p. Serra Eva, Pagesos y senyors a la Catalunya del segle xvii. Béaur Gérard (dir. 14 Drain Michel, « Un Village de l’Aljarafe sévillan d’après les vérifications des experts de Cadastre du Marquis de la Ensenada », Congreso de Historia Rural. Photo: Au P’tit bonheur de Saint Camille – crédit: Patrice Halley. Le yeoman tient indistinctement sa terre en freehold, en copyhold et en leasehold mais il a le plus souvent au moins quelques parcelles en freehold. Les paysans, du moins une petite partie d’entre eux, deviennent propriétaires de partie de la mouvance (les freeholders), les seigneurs en récupèrent une grande part et la louent avec des baux à temps. On peut énumérer les plus importants : la quantité de terre exploitée et/ou possédée, la possession d’un capital d’exploitation (la terre, la charrue et la charrette, l’attelage), le niveau d’insertion dans les circuits d’échange… On peut aussi penser à des critères autres qu’économiques et sociaux : participation au pouvoir (rôle dans la communauté rurale), niveau d’alphabétisation… Il faut également prendre en compte des critères plus individuels, tels ceux du cycle de vie et du cycle familial qui font apparaître que, pour chaque individu, la richesse est aussi liée à l’âge (les plus jeunes et les plus vieux ont une accumulation foncière et mobilière bien inférieure à celle des adultes entre 40 et 50 ou 60 ans). Après avoir rapidement étudié la condition féminine et fait ou refait connaissance avec quelques femmes de lettres dans lhistoire, au Moyen Âge et à la renaissance, penchons nous sur les femmes au XVIIe siècle Et avec le XVIIe siècle, le début du « siècle des lumières », le règne de Louis XIV après celui de Louis XIII, dHenri IV, des fils de Catherine de Médicis et de Catherine de Médicis elle-même (femme dHenri II) dont nous nétudiero… 13 Pérez Álvarez María José, La Montaña noroccidental leonesa en la Edad Moderna, León, Université, 1996, p. 171-186. Ceci stimule le processus d’enclosure et, en conséquence, les évolutions que l’on a décrites précédemment dans la société rurale anglaise. The Transformation of the Agrarian Economy, 1500-1850, Cambridge, CUP, « Cambridge Studies in Historical Geography, 23 », 1996, xiv-258 p. Ruggiu François-Joseph, L’Angleterre des Tudors et des premiers Stuarts, 1509-1660, Paris, SEDES, 192 p. Scott William, The Peasantries of Europe, from the Fourteenth to the Eighteenth Centuries, Londres/New York, Longman, 1998, 416 p. Wrightson Keit, English society, 1580-1680, New Brunswick, Rutgers University Press, 1992, 1246 p. Barbazza Marie-Catherine, La Société paysanne en Nouvelle-Castille. Le grand fermier existe donc dans cette région aussi : plus du tiers (36 %) des exploitations louées à Ciudad Real entre 1600 et 1700 ont plus de 60 ha de terres labourables (le reste n’est pas spécifié) et une sur huit (13 %) à 100 ha, de quoi utiliser à plein temps trois ou quatre paires de mules, et c’est effectivement six mules dont dispose le seul de ces fermiers qui apparaît dans les inventaires. ANTOINE, Annie ; BROAD, John ; et BRUMONT, Francis. Ce grand tableau fut réalisé à la fin du règne de Louis XIII, comme latteste linscription « LENAIN. « Pays d’histoire », 1998, 286 p. ; Antoine Annie, Fiefs et Villages du Bas-Maine au xviiie siècle, Mayenne, Éditions régionales de l’Ouest, 1994, 540 p. 45 Jacquart Jean, La Crise rurale en Île-de-France, 1550-1670, Paris, A. Colin, 1974, 800 p. 46 Boehler Jean-Michel, Une Société rurale en milieu rhénan : la paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1995, 3 vol., 2470 p. Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540. Ils occupent ces fonctions entre 11 et 25 ans le plus souvent, mais certains deviennent ensuite vacher, berger, laboureur principal. 2En ce qui concerne les royaumes d’Espagne, cette tâche est encore plus difficile sans doute que pour la France ou l’Angleterre, tant les systèmes agraires sont différents d’un bout à l’autre de la péninsule, des micro-exploitations de Galice ou de la huerta de Valence aux immenses latifundia d’Andalousie et d’Estrémadure. Les petits propriétaires cherchent à valoriser leur lopin par une culture intensive (vigne, par exemple) alors que ceux qui peuvent espérer vivre sur leur bien privilégient les céréales. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Hors collection », 2009, p. 473-495. Les freeholders représentent 13,2 % de ces familles et les fermiers 10,2 %. Chronique #2 – L’Art de vivre sous Louis XIV (partie 2/4) – à écouter à partir du lundi 2 mars 2015. Au xviie siècle, le terme de yeoman désigne un paysan aisé qui travaille lui-même sa terre, emploie parfois des farms servants. C’est un trait qui n’est pas propre à la Manche, mais se retrouve partout, qu’il s’agisse d’animaux transhumants ou de moutons communs, restant sur place, comme le montre l’exemple de la Vieille-Castille, où si les éleveurs sont plus nombreux que dans la Manche (autour de 50 % des habitants) la plupart d’entre eux n’ont que des troupeaux minuscules12. Au XIXe siècle c’est l’espace qui évolue le plus, et nous nous intéressons justement à cette évolution. On ne saurait négliger l’importance de ces bergers dans une région où l’élevage ovin est très développé et ne fait que croître au cours du xviie siècle. Le gouvernement par grand conseil - extrait du Discours des Etats de France, 1588, de Guy Coquille, La monarchie française vue par un ambassadeur vénitien - Michel Suriano (1561) : La question des lois fondamentales et l'autorité monarchique, Discours : Les libertés nécessaires - Adolphe Thiers, La Révolution française (1789-1793) et la fondation d'un monde nouveau, Histoire économique et sociale à l'époque moderne - La traite des esclaves, Le siècle des Lumières en France, Angleterre et Allemagne, La mission du père Ricci en Chine selon Nicolas Trigault (1615) - La rencontre et le partage entre les cultures chinoises et européennes par l'intermédiaire des missions jésuites. Le phénomène de polarisation se poursuit tout au long des xviie et xviiie siècles ; on a pu ainsi parler de « l’aristocratie des mas », des paysans qui, comme leurs homologues basques, s’intitulent « paysan, seigneur et propriétaire du mas de… ». Le vin, autre grande production de la région, connaît un regain de faveur : son prix avait stagné pendant une quarantaine d’années (entre 1570 et 1610 en gros) accumulant ainsi un gros retard sur le blé, mais entre 1610 et 1630, il connaît une hausse de 50 %. 1715 correspond à la fin d’une époque, le peuple est soulagé que leur despote soit mort. 65Dans ce chapitre, nous nous attacherons moins à décrire ce qui fit l’unité de la société rurale qu’à mettre en lumière ses hiérarchies internes et ses évolutions au cours du siècle. 5 Brumont Francis, Paysans de Vieille-Castille aux xvie et xviie siècles, Madrid, 1993, 502 p., voir p. 190. Il en va de même dans les régions de montagne : dans la Sierra de Alcaraz, en 1753, plus de la moitié des habitants ne possèdent ni terre (51 %), ni animaux de trait (78 %), ni gros bétail d’élevage (51 %), ni menu bétail (56 %) et parmi cette petite moitié qui élève des moutons, la moitié en a moins de 5. Mais il faut avoir présent à l’esprit qu’il ne s’agit là que de généralisations et que les différences régionales sont importantes. La jeunesse à un rôle socioculturel important et particulier au village puisqu'elle est par exemple chargée d'organiser et d'animer la partie dansante des fêtes. D’autre part, le phénomène des enclosures modifie le paysage agraire (passage d’un système de champs ouverts à un parcellaire enclos) mais aussi la façon de posséder et d’exploiter le sol (partage des communaux et suppression des droits collectifs sur les terres labourables). cit., t. I, p. 357-371 et Paysans de Vieille-Castille…, op. Tous ces changements ne pouvaient passer inaperçus aux yeux des contemporains. Les sociétés rurales”. Le paysan le plus aisé y est le métayer (comprendre par là celui qui exploite une exploitation appelée métairie) : il possède l’attelage et la charrue et il laboure pour le closier qui n’a ni bêtes de trait ni matériel autre qu’à bras. à temps complet ou bien exerce-t-il une autre profession, artisanale par exemple ? Les terres faisant l’objet d’usages communautaires étaient particulièrement importantes en Angleterre, surtout là où les enclosures n’étaient pas encore achevées. 1998. 81Les sociétés fortement hiérarchisées, celles où les écarts de richesse sont les plus forts entre riches et pauvres et celles aussi où le nombre de riches est très faible en regard de la masse des pauvres, caractérisent en général les régions dites de grande culture. Quand l'enfant est mort-né on court porter l'enfant dans le sanctuaire à répit (lieu où miraculeusement les enfants ressuscitent le temps d'être baptisés et ils peuvent partir au paradis et non errer dans les limbes). ), Historia de España Menéndez Pidal, t. XXIII : La Crisis del siglo xvii. La vie urbaine au Moyen Âge, avec l'expansion des communes et la description de Paris 2. Un certain nombre d’entre eux cependant sont fermiers, pour tout ou partie de leur exploitation ; c’est ce que montrent les inventaires de ces laboureurs, 320 au total pour la Manche, dont les deux cinquièmes possèdent moins de 25 ha. et dans ce dernier cas, en quoi se distinguent-ils des autres ruraux ou même de leurs voisins des villes qui possèdent des terres et les font cultiver ou les cultivent eux-mêmes ? Une livre tournois correspond à 20 sols. Salamanca, 1780-1840 », Saavedra Pegerto et Villares Ramón (dir. En l’absence d’informations, les données qui suivent sont extraites de cet ouvrage. 15 Brumont Francis, Paysans de Vieille-Castille…, op. Ils tiennent un rôle politique dans la communauté d’habitants, ont des qualificatifs d’honneur, lisent et écrivent, siègent dans les jurys et ont le droit de vote. L’étude s’appuie sur plus de 1 100 inventaires de biens, datant pour la plupart du xviie siècle et résumés de façon très détaillée dans l’appendice II (p. 677-727). Ceci semble vrai pour les vignobles de l’Île-de-France mais pas pour ceux du Sud (Languedoc) ou du Lyonnais où la propriété des vignes échappe aux paysans qui les prennent en bail à mi-fruit. Mais, il est certain que ces différents modes de faire-valoir n’ont pas la même rentabilité et qu’il est beaucoup plus profitable d’exploiter soi-même que de faire travailler les autres. Le principe est le même que celui du copyhold mais pour un temps déterminé. 36Comme pour les deux autres pays, se pose la question des critères les plus pertinents à prendre en compte pour mesure la richesse des paysans. Parmi ces journaliers, beaucoup exerçaient une autre activité et notamment, les petits paysans. C’est clair que vivre à la campagne présente de nombreuses difficultés d’organisation et d’adaptation, surtout pour des personnes n’ayant connu que la ville. Pour le royaume d’Aragon, les sources sont plus localisées et se composent surtout, outre les documents notariés, de terriers de seigneuries (capbreus). Les bovins sont peu répandus même si deux troupeaux dépassent les 500 têtes ; ils sont destinés aux boucheries. Cottret Bernard, Histoire d’Angleterre, xvie-xviiie siècle, Paris, PUF, Nouvelle Clio, 1996, 340 p. French H. R. et Hoyle Richard W., « The land market of a Pennine manor : Slaidburn, 1650-1780 », Continuity and Change, 14, 3 (1999), p. 349-383. Le présent ouvrage rassemble une grande partie des articles et communications que Brigitte Maillard a écrits tout au long de sa carrière d'enseignante et de chercheur. 20 Ponsot Pierre, « Grand domaine et petite exploitation en Andalousie occidentale : une étude de rentabilité comparative », Congreso de Historia Rural…, op. Les transformations sont particulièrement importantes dans la région de Londres qui est devenue, à la fin du xviie siècle, une des principales villes d’Europe. 28Or, cette évolution favorable ne se produisit pas : la production de céréales, surtout celle de blé, baissa plus rapidement que la population. Son idée principale, celle selon laquelle le paysan anglais contrôle beaucoup mieux sa terre parce qu’il a le pouvoir de décider que sa propriété sera partagée après sa mort et la liberté de la vendre ou de la donner de son vivant, cette idée n’a pas été sérieusement prouvée. 1 Béaur Gérard, « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 106, n° 1, 1999, p. 159-176 et « Stratigraphier le monde rural. Le sens au seigneur se paie en argent. 40Les tenures non libres (unfree tenures) ou tenures coutumières ou tenures en villainage (villein tenures ou base tenures) sont régies par les coutumes des diverses seigneuries : le vilain tient sa terre at the will of the lord and according to the custom of manor.