L’« historicité » des sociétés, leurs cultures et leurs dynamiques endogènes, que des auteurs comme Bayart et Mbembe appelaient de leurs vœux (voir chapitre 1), sont négligées au profit d’une démarche déductive partant des sociétés occidentales. souhaitée]. Au XIXe siècle, ils se spécialisent dans des domaines particuliers. Son livre sur « l’Etat ailleurs » publié au début des années 2000 le positionne comme une référence internationale en la matière. Les premiers penseurs politiques tels que Thucydide, Platon ou Aristote adoptent une attitude visant à établir les faits et à définir les concepts avec un souci de rigueur significatif. L’État détenant les cordons de la bourse en matière de financement de l’éducation, ses dirigeants ne pouvaient alors favoriser le développement de la recherche dans un domaine potentiellement contestataire5. Pour un exemple d'application de cette démarche, voir le classique Elias, Norbert, Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes, https://gallica.bnf.fr/html/und/droit-economie/pensee-politique-du-siecle-des-lumieres?mode=desktop, Association internationale de science politique, Association française de science politique, International Association for Political Science Students, Canadian association of political science/Association canadienne de science politique, Portail des sciences humaines et sociales, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Science_politique&oldid=178297173, Catégorie Commons avec lien local identique sur Wikidata, Article de Wikipédia avec notice d'autorité, Page pointant vers des bases relatives à la recherche, Page pointant vers des dictionnaires ou encyclopédies généralistes, Portail:Sciences humaines et sociales/Articles liés, licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions, comment citer les auteurs et mentionner la licence, Goodin, R. E.; Klingemann, Hans-Dieter,eds. Globalement, on constate que ce second modèle entendait dépasser les théories développementalistes, notamment dans leurs visions libérale, occidentalocentrée et modernisatrice. Quant aux modèles d’analyse de relève, compte tenu du caractère récent des mutations, et en raison de la domination des modèles d’analyse sur l’intégration et la démocratisation, aucun véritable corpus théorique original ne s’est développé à leur propos. 36La vision triomphaliste de la démocratie est issue de l’observation des premières expériences sud-européennes et latino-américaines. Le résultat est une importation des modèles d’analyse exogènes. Le modèle centre-périphérie a tenté de résoudre ce dilemme dans une perspective normative. Scioppius, Juste Lipse, Fra Paolo sont également de ses continuateurs. 15Sur la question de la comparaison entre l’Afrique et les autres contextes, ce sont les structurofonctionnalistes, apparentés aux développementalistes, qui ont été à la pointe de la recherche. Ce domaine de recherche a émergé au cours des années 1980 notamment sous l'impulsion d'auteurs comme Gary King[14]. Il s'intéresse essentiellement à la technique, aux mécanismes des gouvernements et de la gouvernance, ne voyant en la vertu et la religion que des moyens pour gouverner. 34Du côté africain, dans la même lancée des études centrées sur la société civile, on peut relever l’ouvrage précurseur édité par Peter Anyang’Nyong’o39. Devant faire face à la difficulté d’appliquer aux nouveaux pays les concepts habituels liés à l’État et aux institutions formelles qui constituaient les thèmes de prédilection de l’approche institutionnelle dominante aux États-Unis jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les théoriciens du développement politique ont cherché à forger des concepts permettant de saisir toutes les situations, occidentales comme extraoccidentales. 34 Lire à titre d’exemples Comi Toulabor, « Jeu de mots, jeu de vilains : lexique de la dérision politique au Togo », Politique africaine, vol. 30On parle de l’État, mais ce sont les pratiques prédatrices, la corruption, le clientélisme, le patronage qui sont indexés certes comme des avatars, mais aussi comme des traits faisant l’unité de la politique africaine. 2L’intérêt de la science politique pour l’Afrique n’est pas venu initialement de ce continent et de plus, il est récent. Everyday low … Le roi n’est qu’un primus inter pares et dépend des seigneurs pour les revenus comme pour la levée des troupes. L'administration publique chinoise est la plus ancienne (le « mandarinat ») et commence à cette époque. Les enjeux ont alors changé et l’intégration s’est, au moins dans les discours, imposée comme une solution à double titre : sur le plan économique, de nouvelles initiatives d’envergure continentale comme le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ont vu le jour et, sur le plan politique, l’OUA a été transformée, sur le modèle européen, en l’Union africaine (UA)47. Mais ce n'est véritablement qu'au milieu du XIXe siècle que naissent les sciences sociales et parmi elles la science politique, surtout grâce aux changements liés à l'ère industrielle. 22 Guy Nicolas, « Les nations à polarisation variable et leur État : l’exemple nigérian », dans Emmanuel Terray (dir. En effet , dans le Rift Est africain, la croûte terrestre se fracture, le sol se déchire pour laisser place à une dorsale océanique. Par ailleurs, la science politique a souffert, tout au long des trois premières décennies d’autoritarisme qui ont suivi les indépendances, du préjugé selon lequel elle n’est rien d’autre qu’une discipline spéculative et subversive. 17Dans sa version centrée sur l’analyse du processus d’étatisation en Afrique, ce modèle partage d’importantes prémisses avec le modèle précédent, notamment la vision universaliste et univoque du développement politique. Rattaché à la faculté de droit et de science politique (FADESP), le CESPo œuvre pour la promotion, l’institutionnalisation et la dynamisation de la science politique en Afrique francophone. Elles vont atteindre le milliard d’ici 2050 pour un total de 2,4 milliards d’Africains — soit un habitant de la … Les États africains peuvent varier dans leur idéologie, leur développement économique, leur style de leadership, mais ils ont tous d’une façon significative un noyau patrimonial commun32. Ces infrastructures étaient du reste bien rares et les moyens financiers faibles, de sorte que les bibliothèques et les fonds documentaires nécessaires à tout travail de recherche étaient eux aussi réduits à la portion congrue dans la plupart des pays. 30 Jean-François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice Hibou, La criminalisation de l’État en Afrique, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997. 1, no 3, 1981, p. 55-71 ; Jean-François Bayart, « La revanche des sociétés africaines », Politique africaine, no 11, 1983, p. 95-127. 14Les travaux sur la modernisation et le développement politiques, bien synthétisés par Bertrand Badie, auront d’abord tenté de comprendre les nouvelles dynamiques affectant les pays africains nouvellement indépendants9. C'est une belle histoire géologique que celle de la naissance d'un océan en Afrique de l'Est. Même si, en général, ces organisations régionales n’ont pas eu toute l’efficacité souhaitée, elles ont permis – notamment l’OUA – de contenir les conflits. « logiques sociales à l'œuvre dans la vie politique ». Il inventorie les grandes entreprises de classification des objets de science et les mille autres faits qui ont concouru à la naissance de la science du politique. Ce siècle si particulier a vu naître et proliférer certains des plus grands maîtres de la pensée, tels que Rousseau, Voltaire, Condorcet, Diderot, Kant, pour ne citer que ceux-là. Ce renouvellement tient beaucoup aux théories du développement et de la modernisation politique ainsi que nous le verrons plus loin. La dernière modification de cette page a été faite le 1 janvier 2021 à 21:39. La réflexion sur la politique n’est pas une activité nouvelle. Ce modèle est aussi ethnocentrique puisque le mieux-être politique est assimilé à la situation américaine vers laquelle toutes les sociétés nouvellement indépendantes tendent supposément, comme on a pu le voir avec le concept de culture civique qui renvoie à l’autre interrogation des développementalistes, c’est-à-dire le développement politique. on peut ainsi considérer que la construction d’un centre se ramène à l’établissement d’institutions ou de valeurs destinées à assurer l’organisation globale d’une société indépendante, délimitée par un cadre territorial précis, et jusque-là caractérisée par une très forte atomisation du pouvoir et une très faible coordination entre ses diverses composantes21. Dans cette perspective, la démocratisation coule par conséquent comme un long fleuve tranquille selon l’expression consacrée, puisqu’elle est considérée comme une nécessité inscrite dans l’ordre de l’évolution historique. 23Ce modèle concerne l’Afrique, car les analyses sur l’Amérique latine produite par des auteurs tels qu’André-Gunder Frank, Fernando Cardoso et Enzo Faletto, entre autres24, ont été étendues à l’Afrique en tant que maillon de la périphérie dominée. Cependant, les tentatives d’établir des points de comparaison ont conduit à un développement de l’analyse des institutions et du pouvoir en Afrique dès les années 1960. 24 André Gunder Frank, Le développement du sous-développement en Amérique latine, Paris, François Maspero, 1969 ; Fernando Henrique Cardoso et Enzo Faletto, Dépendance et développement en Amérique latine, Paris, PUF, 1969. 13Trois thématiques ont dominé l’analyse politique sur l’Afrique durant cette période, les glissements thématiques obéissant à l’évolution de la conjoncture politique sur le continent : l’État, le développement et la politique africaine. Lancé au départ au hasard des guerres, des mariages et des successions (le règne des Habsbourg sur une bonne partie de l’Europe par ces moyens matrimoniaux en témoigne), l’État devient un projet à partir du moment où des territoires délimités s’institutionnalisent progressivement. C'est aussi la fin des grandes explorations, on cherche davantage à comprendre le monde et son fonctionnement. Dès 1945, la science politique entre dans une nouvelle phase de son développement, il y a accord sur toute une série d'objets d'étude qui forment le champ de la science politique, il y a une revendication commune de l'expression « science politique », émergence de vecteurs de distribution des résultats des recherches. Il montre qu’au départ, dans l’Europe féodale entre les XIe et XIIIe siècles, existe ce qu’il appelle la phase de la concurrence libre18. En l’absence d’infrastructure disciplinaire endogène, ce sont des modèles d’analyse exogènes qui ont été appliqués pour comprendre ces pays et ces phénomènes nouveaux. Elle est le résultat de l’institutionnalisation progressive d’un ensemble de champs du savoir (droit, économie, histoire, sociologie) lorsque ceux-ci s’intéressent plus spécifiquement à l’étude du pouvoir, si bien que l’on a pu parler pendant longtemps de sciences politiques au pluriel. Deux figures originales viennent bouleverser peu ou prou les conceptions du temps et, en définitive, appuyer les prétentions impériales au détriment de la papauté : Marsile de Padoue, qui distingue strictement la morale religieuse (basée sur l'Évangile) de la morale politique ou morale naturelle (fondée sur la conception aristotélicienne), il distingue totalement la foi et la raison et fait l'apologie de la monarchie élective; et Guillaume d'Ockham qui considère que le pouvoir temporel est d'un autre ordre que le pouvoir spirituel, se plaçant ainsi dans une logique de séparation précoce entre le spirituel et le temporel. Or, ce pur formalisme a vite montré ses limites puisque le droit proclamé était loin d’être appliqué et respecté26. Résumé. 19S’inspirant de Christian Coulon, Bertrand Badie relève que dans ce modèle. En Europe, la science politique emprunte aux méthodes et aux thèmes des sciences sociales telles que la sociologie, le droit ou la psychologie. Il n’en est pas de même en ce qui concerne l’aire régionale africaine. La science politique est l'une des disciplines des sciences sociales. Par conséquent, il est logique que l’étude des objets dépendant de l’État comme les conflits, l’intégration, la démocratisation ait été retardée. The State of Political Science in Western Europe. Nombre de penseurs des siècles suivants peuvent lui être rattachés, soit qu'ils en furent les héritiers directs, soit qu'ils lui empruntèrent sa méthode. Cependant, ce modèle a aussi ses faiblesses et n’a pas vraiment permis « d’étudier l’Afrique pour elle-même ». La méthode historique[11] ne consiste ni en une collection de dates et une succession d'évènements ni en une histoire quantitative mais à retracer l'« histoire longue du politique »[12] afin de mettre en lumière les « logiques sociales à l'œuvre dans la vie politique »[13] sur le long terme. L’invariant, c’est aussi le néopatrimonialisme chez Jean-François Médard qui estime que : le patrimonialisme constitue le commun dénominateur de pratiques diverses si caractéristiques de la vie politique africaine, à savoir le népotisme, le clanisme, le « tribalisme », le régionalisme, le clientélisme, le « copinage », le patronage, le « prébendalisme », la corruption, la prédation, le factionnalisme, etc., qu’elles soient fondées sur l’échange social (parochial corruption) ou sur l’échange économique (market corruption). 36 Achille Mbembe, « Esthétique de la vulgarité », dans De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 139-163. 46 Donald L. Horowitz, Ethnic Groups in Conflict, Berkeley, University of California Press, 1985. 11Cette situation s’explique dans bien des cas par une méconnaissance de l’existence même de cette littérature dans la mesure où la faiblesse du cadre institutionnel évoquée plus haut ne favorise pas une diffusion des travaux entre chercheurs en Afrique. La méthodologie politique désigne le domaine des sciences politiques consacré à l'application des méthodes quantitatives à la science politique. L’ancienne colonie britannique est devenue une référence en Afrique pour sa stabilité politique et son respect de l'Etat de droit. La problématique de l’État en Afrique. En réalité, soutenaient les développementalistes, les pays africains se situaient loin sur une échelle d’évolution, mais étaient néanmoins engagés dans le même processus de modernisation que celui par lequel sont passés les systèmes occidentaux. 18Lorsque les pays africains arrivent à l’indépendance à la suite des processus coloniaux, il est clair que leur État n’est pas issu d’un processus similaire. Jean de Salisbury, dans le Policraticus, aborde la question de la responsabilité des rois vis-à-vis de leurs sujets (même s'il défend le droit de ceux-ci à punir les responsables de lèse-majesté), soumis qu'ils sont à la volonté de Dieu et de l'Église et pourrait bien être l'un des premiers à envisager la possibilité du tyrannicide. Nombre de visites : 26354 . 16Cette conception dénote l’ambition de ces concepts, destinés à rendre possibles des travaux de grande portée comparative et qui réunissent à la fois pays socialistes, démocraties avancées, pays autoritaires du Nord et du Sud dont l’évolution est diverse. 2. Nombreux furent donc les penseurs, à cette époque, qui préparèrent par leurs œuvres les bouleversements à venir. La modernisation est définie à partir d’un critère qui se veut universel, applicable en tout lieu et en tout temps, c’est-à-dire la construction d’un centre qui parvienne à assurer son hégémonie sur les régions et allégeances périphériques dans un continent où prévaut l’hétérogénéité ethnique. Par conséquent, la question de leur légitimité, de l’existence d’un sentiment national, de la spécialisation de leurs administrations et de leur capacité à contrôler leurs espaces périphériques fragmentés sur le plan ethnique, religieux et économique était épineuse. Naissance et évolution d’une institution panafricaine » , Histoire de la recherche contemporaine [En ligne], Tome VIII-n°2 | 2019, mis en ligne le 15 mars 2020 , consulté le 21 décembre 2020 . Cette situation dans le contexte francophone doit beaucoup à l’influence sur les universités africaines, exercée moins par les politologues que par les juristes français, souvent peu enthousiasmés par l’idée d’une science politique autonome et concurrente du droit. Pendant plus de deux décennies, l’État africain a été au cœur des débats intellectuels et politiques relatifs à presque tous les aspects des expériences actuelles et à l’avenir du continent. D’abord, comme le développementalisme, il s’agit d’une théorie de grande portée, trop généralisante et par conséquent peu soucieuse des particularités locales et des marges de liberté des acteurs africains. Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search, Gazibo, M. 2010. 7 John Harbeson, « Africa in World Politics: Amid Renewal, Deepening Crisis », dans John Harbeson et Donald Rothchild (dir. La réflexion sur le problème politique remonte aux Ve – IVe siècles av. Il s’agit enfin de faire la part entre les modèles d’analyse dépassés et les modèles de relève, notamment ceux relatifs aux enjeux sur lesquels nous insistons dans ce livre. Par contrecoup, le rejet de l'étude mesquine des procédés contemporains permit à des courants d'idées totalement différents et novateurs d'émerger[réf. c’est à la mise en place d’une autre économie politique, à l’invention d’autres systèmes coercitifs et d’autres stratégies d’exploitation que l’on assiste en Afrique […]. Il fait partie de la planification familiale. Le développement aux États-Unis est stimulé par l'absence de contraintes et par la venue d'un certain nombre de scientifiques réfugiés (allemands, anglais, italiens, autrichiens). Badie montre ainsi comment, dans ces études, l’idée selon laquelle centre et périphérie correspondent respectivement à la modernité et à la tradition, le passage à la première se faisant sur les cendres de la seconde, s’est imposée. Il a également mis l’accent dès 1954 sur un phénomène qui sera ensuite au cœur des théories de la dépendance, à savoir l’échange inégal entre le Nord et le Sud.